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Podcast | Syndicalisme : Dépasser l’extrême-droite et l’euroscepticisme

Les mouvements de travailleurs se présentent généralement comme politiquement de gauche et fondamentalement internationalistes. Pendant longtemps, le mouvement ouvrier revendiquait cette conception, en particulier en Allemagne en raison de son passé antifasciste. Il est dès lors d’autant plus étonnant que les syndicats classiques subissent aujourd’hui la concurrence de l’extrême droite.

Nous avons rencontré des acteurs de la société civile en France et en Allemagne pour trouver des éléments de réponse.

Début 2018, les médias allemands tirent la sonnette d’alarme : dans de nombreuses entreprises, des syndicalistes affiliés à l’extrême-droite cherchent à séduire les membres des syndicats classiques.

L’ancien membre du Parti social-démocrate allemand (SPD), Guido Reil, avait déjà signalé que l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) ne pourrait devenir un parti populaire qu’en renforçant son positionnement social. En 2015, il fonde donc l’Alternative Vereinigung der Arbeitnehmer (syndicat alternatif des travailleurs) en Rhénanie du Nord-Westphalie. Dans la même optique, Björn Höcke a créé l’organisation de travailleurs Alarm  et
Oliver Hilburger, en 2009, le syndicat Zentrum Automobil e.V. – alternative au syndicat professionnel allemand représentant l’industrie métallurgique IG Metall. En 2018, lors des élections du comité d’entreprise, le syndicat Zentrum Automobil et le réseau d’extrême-droite Ein Prozent réussissent à obtenir plusieurs sièges. Si cette tendance n’est pas écrasante, elle est bien présente.
À titre de comparaison, cinq ans après la création de l’AfD, ce parti compte des élus dans presque toutes les régions allemandes et occupe près de 13 % des sièges du Bundestag.

Le problème, c’est que l’AfD essaye de fragiliser les syndicats – cette tactique est vraiment mésestimée.

Une manifestante à Berlin

En France et en Allemagne, les syndicats sont confrontés à un défi plus global.

En France, il existe une ligne politique d’exclusion des membres d’extrême droite partagée par différents syndicats (CFDT – CGT – FSU – SOLIDAIRES – UNSA) qui considèrent que « la préférence nationale n’est pas compatible avec le syndicalisme ». Dans une déclaration commune de 2011, ils soulignent leur engagement pour « empêcher l’instrumentalisation du syndicalisme par le Front national, qui n’est pas un parti comme les autres et dont les orientations sont à l’opposé des valeurs qu’ils portent ». Ces syndicats appellent régulièrement à faire barrage au FN.

On a eu depuis quatre-cinq ans une quarantaine de cas de syndiqués militants qui étaient sur des listes électorales. À chaque fois, on a fait en sorte que la situation soit réglée. Des gens qui sont à la CGT et qui se présentent aux élections politiques sous l’étiquette de l’extrême-droite, du Front National, de la Ligue du Sud, des Patriotes, etc. sont exclus de la CGT ou partent par eux-mêmes.

Pascal Debay, Secrétaire général de la CGT-Union Départementale Meurthe-et-Moselle

En Allemagne, il existerait un traitement similaire au sein des syndicats.

Il faut que ce soit bien clair : pour nous, il existe une ligne à ne pas franchir, qui est celle de l’affiliation de syndiqués à l’AfD.

Stephan Doll, DGB Moyenne-Franconie (Bavière)

Mais que faire si ce sont les membres des syndicats qui votent pour des partis d’extrême-droite ?

En France, le syndicat Force ouvrière (FO), qui se revendique sans appartenance politique, peut séduire électeurs et cadres du FN. Mais les sondages à la sortie des urnes sont clairs : même si les sympathisants FO votent plus pour le FN que d’autres centrales syndicales, tous les syndicats sont concernés par la même réalité.

En Allemagne, la Confédération allemande des syndicats (DGB), qui regroupe huit syndicats, a calculé que 15 % des membres syndiqués avaient voté en faveur de l’AfD lors des dernières élections générales. Selon une étude de la Fondation Heinrich Böll, ce chiffre s’élevait à 20 % pour les chômeurs et les personnes insatisfaites sur le plan économique.

Il s’agit bien d’une tendance générale : les idées d’extrême-droite se répandent parmi les personnes syndiquées tant en France qu’en Allemagne.

Pour ce projet, nous – Charlotte, Franziska, Matthias et Philipp – sommes allés interroger les manifestants du 1er mai à Berlin et Nuremberg, ainsi qu’à la marée populaire du 26 mai à Paris. Nous avons également rencontré des syndicalistes, des représentants syndicaux et des membres de l’AfD pour trouver des éléments de réponse et comprendre pourquoi de plus en plus de personnes syndiquées votent pour l’extrême-droite alors même que les idées véhiculées sont contraires aux principes de base des syndicats.

Préparation de la marée populaire, 26 mai 2018

Qu’avons-nous constaté à l’issue de ce travail tout au long de l’année 2018  ?

En Allemagne, les forces populistes de droite ont peut-être manqué leur chance d’étendre leur influence à l’échelle nationale lors des élections d’entreprise cette année. Mais les représentants traditionnels n’ont pas encore trouvé de réponse pour traiter au mieux l’essor du populisme de droite dans les syndicats. Sans réponse rapide, l’AfD risque de continuer de frapper fort.

En écho à d’autres manifestations aux niveaux fédéral et étatique, on peut supposer que les électeurs adhèrent principalement à des syndicats alternatifs ou choisissent des partis populistes d’extrême-droite pour manifester leur mécontentement. Ils considèrent que leurs intérêts de citoyens et de travailleurs ne sont plus suffisamment représentés par les représentants actuels.

Les manifestations, les défilés publics ou les tracts ne suffiront pas à lutter contre le potentiel anti-démocratique considérable qui grandit dans nos sociétés. L’écoute et le lancement d’initiatives autocritiques orientées vers l’action à l’origine d’avancées tangibles pour tous pourraient être les premières étapes d’un rétablissement de la confiance.

Si on ne le fait pas, on est mort, on a perdu, c’est une bataille des idées.

Pascal Debay, Secrétaire général de la CGT-Union Départementale Meurthe-et-Moselle

Et l’Europe dans tout ça ? Les élections européennes auront lieu l’année prochaine et les syndicats, au-delà des questions de fond, commencent à travailler ensemble contre l’avancée du populisme de droite. Mais il faut aller plus loin pour répondre aux attentes des électeurs : une Europe plus sociale, plus présente et à l’écoute.

Moi, je suis pour une Europe sociale, une Europe qui est pour les peuples et pas pour les élites. Moi, l’Europe construite autrement m’irait, mais cette Europe ultra-libérale ne me va pas.

Une manifestante à Paris

Nous remercions tout particulièrement la Radio Z Nuremberg pour avoir accepté l’enregistrement de ce podcast dans son studio.

Ce contenu est le résultat d’un travail de groupe effectué dans le cadre du programme 2018 du Dialogue d’avenir franco-allemand. Afin de mieux comprendre les raisons expliquant la perte de confiance croissante des citoyens européens dans la politique, les participant.e.s de la promotion 2018 ont réalisé des projets de groupe binationaux. Par ce biais, ils ont rencontré et discuté de la démocratie et de l’Europe avec divers acteurs de la société civile.